La nouvelle génération

L'IORC compte de nombreux jeunes chercheurs qui travaillent d'arrache-pied dans la lutte contre le cancer. C'est l'occasion pour nous de vous faire connaître certains d'entre eux, pas seulement pour l'excellent travail qu'ils accomplissent, mais aussi pour les raisons qui les ont incités à se consacrer à la recherche sur le cancer.

Brigitte Thériault, Ph. D. en pharmacologie

Brigitte Thériault, qui a grandi au Nouveau-Brunswick, dans une ferme à la campagne, a toujours su qu’elle voulait se consacrer à la science. Cependant, sa vocation de chercheuse dans le domaine du cancer ne lui est venue que plus tard.

Dr. Brigitte Theriault

Après avoir terminé son premier cycle d’étude en microbiologie et en immunologie à l’Université de Dalhousie, Madame Thériault s’interroge encore sur le chemin à suivre. Au lieu de poursuivre immédiatement ses études, elle décide de se lancer dans la vie active, en travaillant d’abord au sein d’une entreprise de biotechnologie œuvrant pour le gouvernement fédéral puis à l’université dans le domaine de la recherche sur l’ostéoporose.

C’est à cette époque qu’une amie très proche de sa mère reçoit le diagnostic de cancer des ovaires. Malheureusement, celle-ci décède après deux années de traitement. Après avoir passé beaucoup de temps à l’hôpital aux côtés de la famille, Madame Thériault se met à réfléchir à la façon dont elle pourrait mieux exploiter ses compétences scientifiques pour venir en aide aux autres.

Le travail que je fais aujourd’hui me permet de faire un lien direct avec le milieu clinique et je suis sincèrement convaincue qu’il a le potentiel requis pour aider mes semblables. -Dr Brigitte Theriault

« Ce drame m’a marquée, explique-t-elle. Être directement confronté à l’évolution de cette maladie est absolument terrifiant. On se sent extrêmement démuni lorsqu’un ami traverse ce type d’épreuve. Je me suis alors dit que je pourrais faire quelque chose pour éviter à d’autres personnes de connaître les mêmes souffrances. »

Peu de temps après, elle retourne à l’Université de Dalhousie pour y étudier le cancer des ovaires. Une fois son diplôme en poche, elle suit son mari à Toronto puis se lance dans des études postdoctorales au Princess Margaret Cancer Centre où elle est chargée d’étudier un oncogène susceptible de servir de cible thérapeutique dans le cancer des ovaires. Elle est alors en contact avec le groupe de découverte de médicaments de l’IORC qui lui offre un précieux soutien. Lorsque son supérieur part à la retraite, un poste s’ouvre par hasard à l’Institut : elle en profite pour poser sa candidature et est embauchée en 2013.

Madame Thériault est aujourd’hui chercheuse au sein du groupe de biologie du programme de découverte de médicaments de l’IORC. Elle travaille au sein d’une petite équipe où elle contribue à élaborer des traitements destinés aux personnes atteintes de cancer en exploitant les découvertes faites au laboratoire.

Notre équipe est plus efficace et elle peut faire avancer des projets très rapidement, car nous disposons de chercheurs dotés de différentes spécialisations qui collaborent très étroitement. -Dr Brigitte Theriault

« L’IORC est sans conteste le meilleur milieu de travail dans lequel j’ai évolué. Mes collègues sont formidables, incroyablement déterminés et ambitieux, et je suis enchantée de pouvoir collaborer avec eux et d’apprendre autant en les côtoyant », affirme-t-elle.

Le groupe de Madame Thériault analyse des protéines pour déterminer si elles peuvent être utilisées comme cibles dans le traitement des cancers. Il collabore également avec d’autres groupes de l’équipe de découverte des médicaments afin de mettre au point de nouveaux composés puis de les analyser pour savoir s’ils peuvent repérer et détruire la protéine ciblée. Ils doivent également s’assurer que le nouveau composé s’attaque efficacement aux tumeurs cancéreuses tout en infligeant le moins de dommages possible aux cellules saines.

Elle estime que la collaboration est l’élément clé pour mettre au point des médicaments. Ainsi, elle préfère l’esprit d’entraide de l’équipe qui cherche à atteindre un but commun à la concurrence constante à laquelle se livrent les chercheurs universitaires. « Notre équipe est plus efficace et elle peut faire avancer des projets très rapidement, car nous disposons de chercheurs dotés de différentes spécialisations qui collaborent très étroitement. Nous sommes axés sur l’entraide et nous nous attachons tous à faire progresser l’élaboration de traitements qui seront proposés aux patients. »

La protéine WDR5 utilisée comme cible constitue un bon exemple de cette collaboration qui trouve son origine dans le travail mené de concert avec le Structural Genomics Consortium. Ainsi, son équipe a permis à la cible WDR5 d’obtenir le statut de composé préclinique en moins de deux ans.

Dans un avenir proche, Madame Thériault souhaite poursuivre son travail dans le domaine de la découverte de médicaments et continuer à réaliser des avancées qui profiteront aux patients. Bien qu’elle ne travaille pas actuellement sur des projets portant sur le cancer des ovaires, elle apprécie le fait de pouvoir être plus proche du milieu clinique qu’à l’époque où elle se consacrait à la science fondamentale. « Je suis un peu plus proche du patient. Le travail que je fais aujourd’hui me permet de faire un lien direct avec le milieu clinique et je suis sincèrement convaincue qu’il a le potentiel requis pour aider mes semblables. »

Ivan Borozan, Ph. D. en physique théorique

Nous savons aujourd’hui qu’il existe environ sept virus susceptibles d’être à l’origine d’un cancer chez l’humain. Si les chercheurs peuvent mettre au point des vaccins qui incitent le système immunitaire à attaquer ces virus, ils pourraient, par leur travail, même empêcher certains types de cancers de s’implanter dans l’organisme. Cette stratégie s’est révélée efficace avec les vaccins ciblant des virus comme celui de l’hépatite B (pour prévenir le cancer du foie). Cependant, la question demeure entière : ignorons-nous encore l’existence d’autres virus capables de provoquer des cancers?

Dr. Ivan Borozan

Monsieur Ivan Borozan, collaborateur scientifique au laboratoire de Vincent Ferretti, Ph. D. en mathématiques, à l’IORC, est chargé d’enquêter à ce sujet. Son travail consiste principalement à établir le lien entre divers agents pathogènes (comme les virus) et le cancer afin de dresser la liste complète des agents pathogènes à même de favoriser la formation de tumeurs cancéreuses (cancérogénèse) ou d’influer sur celle-ci.

Son équipe analyse des téraoctets de données qui ont été générées en séquençant des échantillons de tissus cancéreux et en recherchant des séquences pathogènes qui pourraient se cacher parmi celles-ci. Une fois l’agent pathogène isolé, les chercheurs déterminent s’il a induit ou non le cancer.

Le but ultime est d’établir le lien entre les agents pathogènes qui induisent le cancer et de savoir comment ils permettent à la maladie de se développer, explique-t-il. On étudiera ensuite les vaccinations thérapeutiques envisageables et la façon dont on pourrait s’en servir pour se protéger de ces virus, en cherchant à arrêter le cancer avant qu’il ne débute. -Dr Ivan Borozan

Si l’agent pathogène se révèle être un virus, l’équipe recherche les oncogènes viraux (des gènes de virus connus pour transformer des cellules saines en cellules cancéreuses) qui sont exprimés dans les échantillons cancéreux. Si elle observe l’expression d’un oncogène viral dans des cellules cancéreuses, elle pourra établir avec certitude qu’un certain virus provoque le cancer.

Le processus commence en prenant les millions de lectures de brins d’ADN qui ont été séquencées pour un patient donné et en les comparant au génome humain de référence. Une fois cette opération effectuée, l’équipe recherche les parties qui ne correspondent pas, en extrayant essentiellement tout l’ADN non humain. Elle compare ensuite ces parties non humaines à d’autres génomes de référence non humains pour déterminer si elles correspondent à un autre génome connu. L’ADN non humain trouvé chez un patient pourrait correspondre à différents types de microbes, de virus ou de champignons qui se trouvent naturellement dans l’organisme. Il est fort probable que ces éléments étrangers n’aient aucun rapport avec le cancer. Cependant, cela peut être le cas de certains d’entre eux et une partie du travail de Monsieur Borozan consiste à déterminer lesquels.

Selon ses propres mots, ce processus revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. En effet, s’il y a environ sept virus connus qui provoquent le cancer, le nombre total d’espèces virales potentielles est phénoménal, le potentiel est donc immense.

« Le but ultime est d’établir le lien entre les agents pathogènes qui induisent le cancer et de savoir comment ils permettent à la maladie de se développer, explique-t-il. On étudiera ensuite les vaccinations thérapeutiques envisageables et la façon dont on pourrait s’en servir pour se protéger de ces virus, en cherchant à arrêter le cancer avant qu’il ne débute. »

Monsieur Borozan s’est passionné pour la science dès son plus jeune âge. Né en Serbie, il grandit en France avant de poursuivre des études universitaires au Royaume-Uni.

Il y étudie la physique puis obtient un doctorat en physique théorique à l’University College de Londres. La physique théorique est une branche hautement spécialisée de la physique qui a recours à des modèles mathématiques complexes pour décrire la nature. À l’époque, la biologie connaissait une mini-révolution avec la mise au point de nouvelles technologies de prochaine génération qui généraient des quantités incroyables de données. Monsieur Borozan, qui cherchait à appliquer ses compétences aux données biologiques, s’y intéressa donc tout naturellement : « La biologie devenait alors plus quantitative, en générant des données qui pouvaient nous permettre de mieux caractériser un état biologique, une opération extrêmement complexe. Tout cela était passionnant! »

Il faut faire la synthèse de tous ces éléments pour obtenir des résultats intéressants qui permettront, à terme, d’aider les patients - Dr Ivan Borozan

Il devient ensuite chercheur postdoctoral à l’Université de Toronto où il étudie les interactions hôte-pathogène dans les infections causées par le virus de l’hépatite C. Peu après son postdoctorat, il décroche un poste à l’IORC, au laboratoire de Monsieur Ferretti. « Pour moi, il s’agissait d’une évolution tout à fait naturelle, explique-t-il. Par le passé, je n’étudiais qu’un seul virus. À présent, je les étudie tous. »

Il a pu exploiter les ressources de l’IORC, notamment sa solide infrastructure en matière de TI, ce qui lui a permis de mettre en place des collaborations permettant d'effectuer plus rapidement des opérations complexes.

« Le plus important pour nous est de pouvoir collaborer avec des personnes qui ont une formation en biologie, affirme Monsieur Borozan. Il est crucial de pouvoir établir un lien entre les connaissances techniques, théoriques et les aspects biologiques de celles-ci. Il est impératif de combiner les deux types de compétences pour obtenir des résultats. »

Son équipe a récemment publié un algorithme qui améliore la classification taxonomique de séquences pathogènes inconnues en associant l’apprentissage machine, l’analyse de séquences et la théorie de l’information. Ce travail est extrêmement ardu : en effet, il s’agit de rechercher une aiguille dans une botte de foin sans savoir à quoi ressemble l’aiguille en question.

Selon lui, la tâche ne sera pas facile, mais son équipe est tout à fait capable de relever le défi. « Vous ne pouvez pas être seul pour travailler sur ce type de projet, explique-t-il. Einstein a élaboré ses théories en solitaire, avec son cerveau et son crayon pour uniques alliés. Dans notre cas, pour ce type de projet scientifique, vous devez collaborer avec des personnes issues d’horizons très différents et faire appel à des connaissances provenant de diverses disciplines. Enfin, il faut faire la synthèse de tous ces éléments pour obtenir des résultats intéressants qui permettront, à terme, d’aider les patients. »

Dr Noah Ivers

Dr. Noah IversLe courriel fait partie intégrante de nos vies, que ce soit à la maison ou au travail. Il joue également un rôle crucial dans la recherche sur le cancer en facilitant la collaboration et en aidant les patients qui participent aux essais à rester mieux informés sur leur traitement. À présent, c’est le courriel en lui-même qui est étudié dans le cadre d’un nouveau projet de recherche sur le cancer.

Le Dr Noah Ivers, médecin de famille au Women’s College Hospital de Toronto, s’intéresse à la façon d’utiliser les courriels pour attirer l’attention des médecins et les inciter à utiliser le Rapport sur les activités de dépistage d’Action Cancer Ontario. Il espère ainsi faire augmenter les taux de dépistage de la maladie et permettre à un plus grand nombre de patients d’obtenir un diagnostic plus tôt.

« Le Rapport sur les activités de dépistage est mis à jour tous les mois : on y trouve des renseignements très utiles portant sur des patients qui ont dépassé les délais de dépistage indiqués ou qui ont reçu des résultats anormaux et qui ont besoin d’un suivi, explique le Dr Ivers. Amener les médecins à se connecter et à utiliser régulièrement ce système pourrait faire une grande différence sur le plan des taux de dépistage et du diagnostic précoce. »

La difficulté est que la plupart des médecins ne se connectent pas au système. À l’heure actuelle, seuls 7 % des médecins s’y connectent par le biais du courriel mensuel et moins de 40 % d’entre eux consultent le Rapport sur les activités de dépistage au cours d’une année.

...savoir comment dialoguer avec les médecins et optimiser l’utilisation de systèmes de données existants permettra d’améliorer les soins dispensés aux patients en Ontario - Dr Noah Ivers

Le Dr Ivers, qui bénéficie du soutien du Health Services Research Network (réseau de recherche en services de santé) d’Action Cancer Ontario (ACO) dans le cadre d’une initiative intitulée KT-NET, étudie diverses techniques de communication persuasive par courriel pour inviter les médecins de famille de toute la province à se servir du Rapport sur les activités de dépistage.

Avec son équipe, il a ainsi rencontré des médecins de première ligne pour comprendre pourquoi certains professionnels utilisent le système et d’autres non. Les chercheurs se sont ensuite servi des informations recueilles pour élaborer huit nouvelles versions du courriel. Celles-ci font appel aux sciences du comportement pour encourager les médecins à utiliser la base de données de dépistage. Les nouveaux courriels ont recours à différentes stratégies, comme l’anticipation des regrets (il compare cette technique à de la culpabilisation), le rappel des avantages potentiels, comme l’octroi de primes gouvernementales pour l’atteinte des objectifs en matière de dépistage, et prodiguent des conseils pour faciliter l’utilisation systématique du Rapport sur les activités de dépistage. Les nouveaux courriels mensuels ont été lancés à titre d’essai expérimental au printemps 2017 et les résultats seront interprétés cet automne, en collaboration avec ACO.

Le Dr Ivers est la personne la mieux placée pour traiter ce problème. En effet, en plus d’être médecin de famille, il est titulaire d’un doctorat en épidémiologie clinique obtenu à l’Institute of Health Policy, Management and Evaluation de l’University of Toronto, et avant d’être médecin, il étudiait dans une école de commerce. « Lorsque j’étais à l’école de commerce, j’ai réalisé que je souhaitais faire quelque chose qui me permette d’aider les autres : j’ai donc changé de voie en optant pour la médecine, explique-t-il. Ce projet me permet de puiser un peu dans cette expérience commerciale avec l’étude des systèmes et l’utilisation des données pour appuyer la prise de décision. De plus, je peux la concilier avec mes intérêts cliniques et ma formation en méthodes de recherche. »

Le Dr Ivers confie qu’ils ont hâte, lui et son équipe, de voir les résultats : « Nous sommes impatients de voir ce qui fonctionne dans la réalité et d’utiliser ces résultats pour en faire une pratique courante. En fin de compte, savoir comment dialoguer avec les médecins et optimiser l’utilisation de systèmes de données existants permettra d’améliorer les soins dispensés aux patients en Ontario », conclut-il.

Shannon Gravely, Ph. D. en sciences de l’activité physique

researcher-nameComprendre comment les politiques publiques influent sur les choix fondamentaux que fait la population au quotidien peut contribuer à orienter les initiatives visant à améliorer la santé publique et à prévenir les maladies comme le cancer. Madame Shannon Gravely, professeure adjointe à la recherche au département de psychologie de l’Université de Waterloo (UW), compte au nombre des chercheurs chargés d’examiner ces politiques et de recommander des solutions reposant sur des données scientifiques.

Au cours de ses études de cycle supérieur et des premières années de sa carrière, Madame Shannon Gravely a étudié l’accès aux programmes de santé cardiaque à la suite de diagnostics et d’événements cardiaques, notamment chez les femmes et des populations vulnérables (minorités ethniques et personnes issues de milieux socio-économiques défavorisés). En 2013, elle intègre le Projet international d’évaluation de la lutte antitabac (Projet ITC) à l’UW où elle s’intéresse aux conséquences sur les comportements en matière de tabagisme des politiques de lutte contre le tabac reposant sur des données scientifiques. L’étude porte sur 28 pays participants. Elle est également titulaire d’une bourse de développement de carrière en prévention de trois ans qui lui a été décernée par la Société canadienne du cancer.

Le fait d’analyser des données et de voir comment les politiques de santé publiques peuvent réduire, et réduisent effectivement, le tabagisme, a suscité une véritable passion chez moi- Dr Shannon Gravely

Madame Gravely, qui a étudié l’accès aux soins de réadaptation chez les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque dans le cadre de son doctorat, a vu un rapport évident avec le Projet ITC. « Après avoir travaillé dans le domaine cardiaque, étudier le lien avec le tabac m’intéressait vivement. Ce travail ressemblait, dans une large mesure, aux recherches que je menais pour comprendre les comportements des patients, notamment l’arrêt du tabac », explique-t-elle. Lors de ses fonctions précédentes, elle s’est penchée sur les méthodes d’aiguillage vers des soins de santé après un événement cardiaque majeur (crise cardiaque, p. ex.). Elle a également effectué un examen méthodique des raisons expliquant pourquoi les femmes sont relativement moins nombreuses à suivre un programme de réadaptation que les hommes.

« Le fait d’analyser des données et de voir comment les politiques de santé publiques peuvent réduire, et réduisent effectivement, le tabagisme, a suscité une véritable passion chez moi », nous explique Madame Gravely qui s’est jointe, à l’origine, au projet ITC en tant que chercheuse scientifique. La plus grande partie des informations qu’elle et ses collègues analysent proviennent de sondages réalisés dans des pays signataires de la Convention-cadre de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la lutte anti-tabac (FCTC). Cet accord exhorte les gouvernements à adopter des mesures visant à réduire la demande de tabac (taxes, mises en garde sur les paquets ou emballages neutres, p. ex.).

Dans le cadre d’une étude de grande envergure, Madame Gravely et ses collaborateurs ont examiné l’application et les répercussions entre 2007 et 2014 de cinq mesures majeures de lutte contre le tabac qui s’appuient sur des données scientifiques : création de milieux sans tabac, lancement de programmes d’arrêt du tabagisme, apposition d’avertissements de santé sur les paquets de cigarettes, introduction de mesures de contrôle de la publicité et augmentation des taxes. « Nous disposons de preuves solides attestant que le FCTC a permis d’accroître la mise en œuvre de politiques de lutte anti-tabac efficaces dans le monde entier depuis son entrée en vigueur en 2005, explique-t-elle. Nous avons même pu constater que des États non signataires, comme l’Argentine, qui ont adopté certaines de ces mesures, ont vu décroître la consommation de tabac à l’échelle nationale. Il est notamment apparu que l’application des mesures clés portant sur la réduction de la demande de tabac du FCTC permettait de faire nettement baisser les chiffres du tabagisme. »

Madame Gravely et ses collègues ont récemment appris qu’un autre organisme de premier plan a corroboré leurs conclusions. En effet, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements de la Banque Mondiale a rendu sa décision finale dans le cadre d’une longue procédure lancée par un grand cigarettier contre le gouvernement de l’Uruguay. Dans sa décision, le Centre a confirmé le caractère raisonnable des mesures proposées par ce dernier pour interdire la vente de diverses gammes de cigarettes d’une marque donnée (en adoptant un emballage unique par marque) et de l’augmentation de la taille des avertissements apposés sur les paquets. L’équipe chargée de la défense de l’Uruguay a notamment utilisé les données du Projet ITC à titre d’élément de preuve essentiel : celles-ci ont montré que le fait d’augmenter la taille des avertissements, en passant de 50 à 80 % de la surface du paquet, permettait d’accroître l’efficacité de toutes les mises en garde clés en matière de santé (les avertissements plus grands se voient mieux, les fumeurs se sentent plus encouragés à arrêter le tabac ou hésitent à prendre une cigarette, etc.). En effet, un nombre élevé de participants à l’étude ont attesté que les mises en garde de grande taille incitaient plus à arrêter le tabac que celles de dimensions plus réduites.

TCette affaire a marqué non seulement une victoire pour l’Uruguay et l’équipe de l’ITC, mais aussi pour tous les pays qui cherchent à adopter des politiques efficaces de lutte anti-tabac aux quatre coins du monde. « Cette affaire est un véritable succès pour la lutte anti-tabac et la santé publique, affirme Madame Gravely. Elle prouve en effet que l’argent et le pouvoir des grandes sociétés ne peuvent pas aller à l’encontre de preuves scientifiques solides, rigoureuses et objectives, surtout lorsque la vie des gens est en jeu. »