Devenir viral

On considère souvent la commercialisation comme un processus distinct de celui de la recherche. Mais l'IORC et la FACIT (Fight Against Cancer Innovation Trust) ont de concert prouvé qu'il n'est pas nécessaire que ce soit le cas. Avec la transposition et la commercialisation à l'esprit dès le premier jour, le programme ORBiT de l'IORC a mis au point des nouvelles immunothérapies potentielles, développé l'infrastructure de recherche dans la province et lancé un essai clinique unique au monde. En faisant cela, la FACIT a attiré l'attention du milieu des investisseurs et a forgé un nouveau modèle de collaboration qui peut être reproduit pour offrir de nouveaux traitements contre le cancer aux patients durant de nombreuses années.

En novembre 2016, l'entreprise en démarrage d'Ottawa, Turnstone Biologics Inc. (« Turnstone »), a recueilli 54 millions de dollars, soit la deuxième somme la plus importante d’une campagne de financement de capital de risque pour une entreprise de biotechnologie au Canada l'année dernière. À cela s'ajoute les 11 millions de dollars en financement de série A reçus l'année précédente.

Le succès de Turnstone peut sembler soudain, mais, dans les faits, il est le résultat d'années d'investissements stratégiques de l'IORC par l'intermédiaire du programme ORBiT (Ontario Regional Biotherapeutics), qui a regroupé des chercheurs dévoués provenant de divers établissements dans la province, et la FACIT, le partenaire commercial de l'IORC.

D'après le cofondateur de Turnstone et directeur du programme ORBiT, John Bell, docteur en virologie, il y a deux principaux facteurs qui expliquent le succès de Turnstone cette année. L'un de ces facteurs est le vaccin novateur contre le cancer fabriqué à partir du virus Maraba, un virus peu connu. L'autre facteur est lié à la force de l'entreprise elle-même, une société bien structurée mise sur pied par la FACIT à partir du programme de recherche ORBiT.

Des puces de mer à un premier vaccin utilisant un virus

Le virus Maraba a été isolé la première fois au milieu des années 1980 dans une puce de mer au Brésil. Bien qu'un virus de puce de mer ne soit pas un oncolytique typique, l'équipe du programme ORBiT a rapidement reconnu ses caractéristiques prometteuses et s'est attaquée à le remanier afin qu'il trouve des cellules cancéreuses et les détruise.

L'équipe Maraba, dirigée par John Bell, docteur en virologie à l'Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa, par David Stojdl, docteur en microbiologie et immunologie du Children’s Hospital of Eastern Ontario, et par Brian Lichty, docteur en pathologie et médecine de laboratoire de l'Université McMaster, a trouvé que le virus Maraba était plus efficace lorsqu'il était utilisé en association avec un autre traitement. L'équipe a créé le MG1-MAGEA3, une approche thérapeutique à deux volets faisant appel au virus Maraba et à un adénovirus, un virus du rhume banal.

Les deux virus ont été modifiés pour devenir un vaccin thérapeutique injectable qui se sert du système immunitaire pour combattre les cellules du cancer, amenant le système immunitaire à attaquer des cellules qu'il ignore normalement. Ce traitement a deux avantages par rapport aux autres : il s'attaque systématiquement aux tumeurs n'importe où dans l'organisme et ses effets indésirables sont légers et de courte durée.

L'approche vaccin-virus était unique et inconnue à ce moment. La plupart des recherches sur les virus oncolytiques portaient uniquement sur des façons d'attaquer les cellules cancéreuses.

« Quand vous combinez le vaccin à une approche méthodique, vous obtenez une nouvelle classe thérapeutique, déclare Jeff Courtney, président de la FACIT. Des actifs qui composent une nouvelle classe sont très prisés pour les investisseurs, car ce sont de nouvelles formes de traitement novatrices. »

Une plateforme pour la commercialisation

La FACIT a collaboré avec l'équipe Maraba pour créer la société Turnstone en 2014, en fournissant le premier financement nécessaire au démarrage de l'entreprise.

Le but était d'aider l'équipe à développer la nouvelle technologie jusqu'au point où des investisseurs, au coffre bien garni, pourraient prendre la relève et financer le projet pour en arriver à sa mise en marché. La première étape cruciale consistait à régler et à obtenir les droits de propriété intellectuelle. En raison des nombreux chercheurs et établissement qui participaient au projet, l'exercice de collaboration était complexe et il a fallu une année pour y arriver même si toutes les parties œuvraient ensemble.

Au-delà de l'investissement financier, bâtir les capacités de gestion de la propriété intellectuelle est l'une des façons par laquelle la FACIT contribue au succès de la commercialisation. Son approche consiste à soutenir les technologies naissantes avec des équipes commerciales qui ont les compétences et le savoir-faire pour faire croître des entreprises durables, elles couvrent tout, depuis la direction des affaires à la planification, au développement de produits et plus encore.

Le fait de protéger la propriété intellectuelle de Turnstone a permis à l'entreprise de rencontrer des investisseurs en toute confiance quand elle cherchait un soutien financier pour les essais cliniques – ce qui a permis d'obtenir 11 millions de dollars canadiens en financement de série A en 2015, un investissement dans lequel la FACIT a également participé.

« Nous avons beaucoup appris à partir du projet Maraba, affirme M. Courtney. Certains des modèles de création d'entreprises que nous verrons seront très complexes à mettre en œuvre. C'est la nature de la recherche en oncologie de nos jours et, plus précisément, la façon de faire de l'IORC, soit de la recherche collaborative et multidisciplinaire. »

An adenovirus

Un exemple d'adénovirus

Rendre le vaccin commercialisable

L'équipe du programme ORBiT a mis sur pied des installations de fabrication à Ottawa pour préparer le virus pour les essais cliniques. L'essai initial MG1-MAGEA3, le premier au monde, financé par l'IORC et toujours en cours a été lancé à l'Hôpital d'Ottawa en juillet 2015. Dans le cadre de cet essai, des patients ont reçu des traitements contre le cancer du poumon, du sein et de l'œsophage. Les résultats, qui n'ont pas encore été publiés, sont attendus avec impatience.

L'usine de fabrication était un investissement inhabituel, mais important pour assurer le succès de l'essai, ainsi que pour développer la capacité de recherche à long terme dans la province.

Nous souhaitons attirer des scientifiques et des collaborateurs en Ontario et produire des retombées économiques en créant des emplois et en réalisant des projets en Ontario, comme démarrer des entreprises, construire des usines et lancer des essais cliniques. Ce sont des choses qui auront des répercussions sur les patients et sur l'économie après le projet Maraba et qui aideront à développer de nouveaux traitements pour les années à venir. - Jeff Courtney

« Toutes les nouvelles technologies comme celle-ci exigent beaucoup d'attention pour trouver comment l'utiliser le plus efficacement possible, comment la doser le mieux possible et comment la faire évoluer, explique M. Bell. Le fait d'avoir accès à une usine de fabrication et à des essais cliniques signifie que ces traitements peuvent évoluer rapidement plutôt que d'avoir à attendre une décennie après la découverte pour aller de l'avant. »

Les essais cliniques de la société Turnstone sont maintenant pleinement capitalisés pour les deux prochaines années. Ses installations de fabrication travaillent à pleine capacité et la recherche, dans les laboratoires des chercheurs Bell, Stojdl et Lichty, continue de progresser.

The kind of facility used to produce a virus

Un exemple d'unité de production de qualité pharmaceutique qui respecte les BPF

Faire croître l'écosystème oncologique de l'Ontario

La FACIT et l'IORC considèrent les investissements réalisés dans le programme ORBiT et la société Turnstone comme un modèle à reproduire pour mettre sur pied un écosystème pour la lutte contre le cancer en Ontario. « Plus le développement se fait à l'intérieur même de la province et plus il se fait là longtemps, plus il devient difficile de déplacer ce savoir-faire ailleurs, affirme M. Courtney. Ni les investisseurs, ni l'Ontario, ne veulent perdre l'étendue du talent de ces chercheurs. »

La rapidité du déroulement de l'histoire de la société Turnstone peut donner une impression de facilité. Mais M. Bell insiste, ce n'était pas simple. Il reconnaît le travail acharné de nombreux chercheurs ontariens mené des années auparavant qui a permis d'établir les bases de la science fondamentale nécessaire au succès de ce projet. « Des chercheurs en Ontario ont cru dans le pouvoir du système immunitaire, même quand ce n'était pas populaire, et ils ont continué à travailler dur pendant de nombreuses années pour établir les bases de la connaissance nécessaires pour que le projet Maraba fonctionne. »

La collaboration entre l'IORC et la FACIT était aussi importante, en permettant l'intégration de la commercialisation dans le projet dès ses premiers jours.

« La FACIT et l'IORC ont le mandat de contribuer à l'écosystème régional et d'obtenir des résultats pour les patients dans le monde entier, explique M. Courtney. Nous souhaitons attirer des scientifiques et des collaborateurs en Ontario et produire des retombées économiques en créant des emplois et en réalisant des projets en Ontario, comme démarrer des entreprises, construire des usines et lancer des essais cliniques. Ce sont des choses qui auront des répercussions sur les patients et sur l'économie après le projet Maraba et qui aideront à développer de nouveaux traitements pour les années à venir. »

Ce n'est que le début.

Bien que le programme ORBiT soit arrivé à sa fin, la recherche sur le virus Maraba se poursuivra chez Turnstone. La découverte de la prochaine immunothérapie en Ontario sera pilotée par l'initiative de recherche translationnelle en immuno-oncologie de l'IORC récemment annoncée, ACTION, et dirigée par M. Bell et le Dr Marcus Butler au centre de cancérologie Princess Margaret.

« Nous allons exploiter la valeur clinique potentielle de ce virus et de plusieurs autres de diverses façons, affirme M. Bell. Dans ce domaine, nous n’en sommes qu'au tout début, d'autres percées sont à l'horizon. »