La nouvelle génération

L'IORC compte de nombreux jeunes chercheurs qui travaillent d'arrache-pied dans la lutte contre le cancer.

Lili Aslostovar, Allison Boyd

Dr. Lili Aslostovar

Lili Aslostovar, Ph. D.

La leucémie myéloïde aiguë (LMA) est un type de cancer du sang qui empêche l’organisme de produire correctement des cellules sanguines normales dans la moelle osseuse, ce qui entraîne des infections graves et, souvent, la mort du patient. Malgré des décennies de recherche, l’échec des traitements demeure un enjeu pour les médecins et les patients et les taux de survie restent toujours beaucoup trop faibles. Or, les chercheurs qui travaillent dans le laboratoire de Mick Bhatia, docteur en biologie humaine et en science de la nutrition, au SCCRI (Stem Cell and Cancer Research Institute) de l’Université McMaster à Hamilton, examinent comment et pourquoi la LMA récidive chez des patients qui ont été traités avec succès et mettent au point de nouvelles solutions thérapeutiques qui aideront la moelle osseuse saine à attaquer et à détruire les cellules cancéreuses.

Depuis longtemps, les chercheurs ontariens sont des chefs de file de la recherche sur la LMA, de la découverte initiale des cellules souches cancéreuses à Toronto à la création de systèmes de modèles vivants permettant aux scientifiques d’étudier les complexités de la leucémie dans un contexte biologique. C’est pour cette raison que Lili Aslostovar et Allison Boyd, docteures en biochimie et sciences médicales, ont toutes deux été inspirées à poursuivre leurs recherches sur le cancer en Ontario, mais aussi à cause du modèle de recherche unique du laboratoire de M. Bhatia qui associe l’investigation clinique et des modèles expérimentaux sophistiqués de la leucémie humaine. Provenant de milieux scientifiques et culturels différents, Lili et Allison ont une passion commune, soit celle de mener des recherches qui auront des retombées importantes dans le domaine clinique, et pour atteindre un objectif d’une telle ampleur, elles s’entendent pour dire que « deux têtes valent mieux qu’une ».

« Nous avons toutes deux les mêmes motivations, affirme Lili. C’est la science fondamentale qui nous intéresse, mais nous voulons nous pencher sur de véritables enjeux cliniques. Notre objectif est d’aider à améliorer le devenir des patients en utilisant de nouveaux systèmes qui recréent de manière authentique les problèmes auxquels font face les patients en contexte clinique. »

Dr. Allison Boyd

Allison Boyd, Ph. D.

Au départ, Lili et Allison travaillaient sur des projets de recherche indépendants quand elles se sont rendu compte que leurs conclusions individuelles convergeaient vers des questions complexes similaires : Si le traitement semble fonctionner au départ, pourquoi la maladie récidive-t-elle? Comment les cellules leucémiques interagissent-elles avec les cellules dans leur environnement immédiat pendant le traitement? Elles ont vu une occasion d’accélérer leurs travaux en combinant leurs forces et ont alors décidé de collaborer pour répondre à ces questions.

Aujourd’hui, Lili et Allison sont boursières de recherche postdoctorale au laboratoire de M. Bhatia, où elles étudient la leucémie dans des modèles animaux pour faire avancer la compréhension de l’écosystème de la moelle osseuse et pour trouver une nouvelle façon d’attaquer les cellules souches leucémiques, qui sont à l’origine de la maladie.

Avec une équipe composée d’autres membres du laboratoire et de collaborateurs cliniques, elles ont investigué les interactions entre les cellules sanguines saines et les cellules leucémiques et déterminé le rôle important des cellules graisseuses de la moelle osseuse dans le développement normal des composantes du sang. Leurs travaux ont mené à l’élaboration d’une nouvelle stratégie thérapeutique consistant à moduler l’environnement de la moelle osseuse et à la protéger contre la leucémie, qui a été publiée dans la revue Nature Cell Biology en octobre 2017.

Avec le soutien de l’IORC, ces résultats continuent à progresser vers le développement clinique. Tirant parti de l’élan qu’elles ont pris en collaborant ensemble, elles étudient maintenant pourquoi et comment la LMA récidive après la chimiothérapie. Elles se considèrent toutes les deux chanceuses de participer au processus de recherche, de la découverte initiale à l’application clinique, ce qui représente une occasion rare pour des chercheurs en formation. Elles attribuent leur succès à la culture de collaboration entretenue dans le laboratoire de M. Bhatia.

« Quand vous rencontrez des obstacles et que vous vivez un échec, c’est une communication et une collaboration fortes qui vous permettent de surmonter l’épreuve, déclare Allison. La recherche sur le cancer nous motive toutes les deux, mais c’est notre approche unique issue de notre travail commun qui nous aide à innover et à viser l’obtention de résultats pour les patients. »

Janet Jull

Dr. Janet JullLes peuples et les collectivités autochtones connaissent des inégalités importantes sur le plan de la santé par rapport à la population canadienne en général, notamment des taux de cancer qui augmentent de manière disproportionnée et des obstacles pour accéder aux services de santé. Mme Janet Jull, titulaire d’un doctorat en santé des populations, professeure adjointe à l’Université Queen’s et chercheuse associée à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa, collabore avec des groupes autochtones pour trouver de nouvelles façons de produire et de partager des connaissances dans le but d’améliorer la santé et le bien-être des populations autochtones.

« Le cancer touche tout le monde. Cette maladie ne connaît pas de frontières, dit Janet. Mais est-ce que notre système de soins contre le cancer et la recherche sont efficaces pour toutes les personnes atteintes? »

Janet, une ergothérapeute qui se consacre dorénavant à la recherche sur les services de santé, reconnaît que les modèles de prestation de soins de santé occidentaux actuels minent la santé et le bien-être des Autochtones. Ces modèles font appel à des systèmes de connaissance et à des pratiques de soins qui ne sont pas toujours conformes aux valeurs des groupes autochtones. Janet adopte une démarche unique pour trouver et mettre en œuvre des solutions à ces problèmes. Elle travaille en partenariat avec les patients et leurs familles, les prestataires de soins de santé, les décideurs et les responsables des politiques pour réduire les inégalités dans le système de soins contre le cancer grâce à la prise de décision partagée et à la production conjointe de connaissances.

Janet s’est toujours investie dans l’amélioration de la santé et du bien-être. Elle est devenue ergothérapeute parce que l’accès juste et équitable aux soins de santé l’intéressait vivement. Au début de sa carrière, alors qu’elle vivait dans l’Arctique et travaillait auprès des familles de cette région, elle s’est rendu compte que malgré des décennies de recherche dans le domaine de la santé et d’innovations dans les pratiques en soins de santé, le modèle de soins de santé occidental ne convenait pas aux peuples autochtones du Canada. Elle a compris que les disparités en matière de santé existent en raison de facteurs sociaux, historiques et politiques bien enracinés.

Janet a cherché à mieux comprendre ces disparités et ces obstacles. Pendant ses études de doctorat à l’Université d’Ottawa, elle a adopté une démarche fondée sur les points forts en travaillant en partenariat avec les personnes touchées par le système de soins de santé (les patients, leurs familles et les collectivités) et celles qui le dirigent (les prestataires de soins de santé, les décideurs et les responsables des politiques). Ensemble, l’équipe collaborative a trouvé de nouvelles façons de promouvoir des soins de santé adaptés à la réalité culturelle des Autochtones et d’assurer l’équité en matière de santé.

Janet continue à travailler avec les partenaires des communautés autochtones, les prestataires de soins et les dirigeants à titre de boursière de recherche postdoctorale, et maintenant comme chercheuse associée à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa et à l’Université d’Ottawa,. Conjointement, ils créent, élaborent et testent des outils et des stratégies de prise de décision partagée pour les soins contre le cancer. Financés en partie par une bourse du Réseau d’application des connaissances de l’IORC, leurs travaux visent à accroître la participation des patients dans la prise de décisions en soins contre le cancer et à favoriser la collaboration entre les patients et les prestataires de soins de santé.

« Les gens doivent pouvoir participer à part entière aux décisions concernant leur propre santé en collaboration avec les prestataires de soins, affirme Janet. C’est l’objectif que nous visons par notre travail. »

Toutes les stratégies défendues par Janet ont été élaborées grâce à la pleine collaboration des différents intervenants concernés, qui comprennent à la fois les patients et les prestataires de soins au sein du système de soins contre le cancer. Ensemble, ils mettent en œuvre leurs nouvelles stratégies, ce qui leur permet de produire conjointement des connaissances dont ils font profiter les Inuits, les Métis et les membres des Premières nations qui vivent au Canada. Janet continuera à travailler en partenariat pour favoriser la création d’un système de soins contre le cancer ouvert et accueillant pour tous.

Dr Marie-Claude Bourgeois-Daigneault

Dr. Marie-Claude Bourgeois-Daigneault Les cellules cancéreuses peuvent se soustraire à la vigilance du système immunitaire en devenant impossible à distinguer des cellules saines de l’organisme. Marie-Claude Bourgeois-Daigneault, docteure en immunologie moléculaire, découvre des méthodes novatrices et non conventionnelles de stimuler le système immunitaire pour qu’il agisse contre ces cellules tumorales déguisées et élabore de nouvelles stratégies thérapeutiques qui entraînent moins d’effets indésirables chez les patients.

Pendant ses études doctorales à l’Université de Montréal, Marie-Claude a assisté à une conférence donnée par un chercheur invité, John Bell, docteur en virologie, qui dirigeait le programme ORBiT de l’IORC et qui codirige maintenant l’initiative de recherche translationnelle en immuno-oncologie de l’IORC. Il présentait des travaux de recherche de pointe sur les virus oncolytiques, qu’il utilisait pour administrer le traitement directement aux cellules cancéreuses. Immunologiste de formation, Marie-Claude dit avoir été fascinée par cette méthode. « Les virus oncolytiques ont le potentiel de transformer le traitement du cancer et je voulais faire ma part », explique-t-elle. Inspirée par la conférence de M. Bell, elle décide d’orienter ses recherches sur le domaine de l’immuno-oncologie.

« Non seulement la science de l’immuno-oncologie est-elle fascinante, mais son potentiel pour améliorer la qualité de vie des patients atteints de cancer est incroyable », affirme Marie-Claude.

Grâce à sa passion pour la recherche sur le cancer et à ses solides bases en immunologie, Marie-Claude était une candidate idéale pour le laboratoire de M. Bell. Elle s’est jointe à l’équipe du laboratoire de M. Bell à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa peu après avoir obtenu son doctorat en 2013. C’était l’environnement idéal pour permettre à Marie-Claude de progresser pour devenir une chercheuse principale à l’avenir prometteur. À cet endroit, elle a eu la possibilité d’agir comme mentor tout en poursuivant ses projets de recherche personnels. Au cours des cinq dernières années, Marie-Claude a encadré plus de 12 étudiants à titre de boursière de recherche postdoctorale, tout en publiant 14 articles. Elle a perfectionné sa capacité à établir un équilibre entre ses propres objectifs de recherche et la conception de projets complémentaires pour les étudiants des cycles supérieurs.

Le principal projet de recherche à long terme de Marie-Claude consistait à examiner pourquoi les cancers du sein agressifs ne répondent pas bien à certaines méthodes immunothérapeutiques appelées inhibiteurs du point de contrôle immunitaire (ou ICI pour immune checkpoint inhibitor). Elle a découvert une nouvelle façon efficace d’amener le système immunitaire à répondre au traitement par ICI en utilisant un virus oncolytique, le rhabdovirus Maraba. Dans les modèles murins, sa démarche thérapeutique d’association a augmenté les taux de guérison jusqu’à 90 pour cent, ce qui est significativement plus élevé que le traitement par ICI seulement. Ces résultats prometteurs, publiés dans la revue Science Translational Medicine, présentent une nouvelle stratégie pour traiter le cancer du sein agressif avec moins d’effets indésirables que les traitements conventionnels comme la chimiothérapie. Le virus oncolytique Maraba est actuellement mis à l’épreuve dans des essais cliniques menés auprès de patients atteints de divers types de cancer.

Maintenant, Marie-Claude se sent bien préparée à passer à l’étape suivante et à mettre sur pied son propre laboratoire pour investiguer les virothérapies oncolytiques. « Le laboratoire de M. Bell m’a formée pour devenir une chercheuse principale indépendante, déclare Marie-Claude. J’ai tissé des liens solides avec mes collaborateurs et je me suis considérablement perfectionnée comme mentor, tout en faisant des progrès significatifs dans mes recherches. »

Songeant à son cheminement de carrière jusqu’à maintenant, Marie-Claude est particulièrement reconnaissante d’avoir été capable de voir de ses propres yeux les effets de son travail. Au cours de la dernière année, elle a été invitée à participer à des réunions de groupes de soutien aux patients à titre d’agente de liaison scientifique, une occasion souvent réservée aux chercheurs principaux chevronnés. Lors de ces réunions, elle expliquait les nouvelles immunothérapies aux patients et aux soignants. « Rencontrer les patients nous rappelle que faire de la recherche sur le cancer est un privilège, affirme Marie-Claude. Si vous avez la chance de faire ce travail, vous avez la possibilité de changer les choses. »

Morgan Taschuk

Morgan TaschukSi les chercheurs en cancérologie pouvaient éliminer les tâches routinières et répétitives qu’ils doivent accomplir au cours de leur journée de travail, ils pourraient employer le temps gagné à approfondir des questions plus importantes dans leur domaine de recherche. L’automatisation des tâches computationnelles peut aider les chercheurs à mener des recherches scientifiques de meilleure qualité à un rythme plus rapide; ainsi, les patients pourraient profiter plus tôt des résultats de ces recherches.

La recherche en génomique du cancer est tributaire d’une infrastructure de production de données souple et fiable qui permet de planifier, de recueillir, de traiter, d’analyser et de tenir à jour de grandes quantités de précieuses données de recherche. Morgan Taschuk, gestionnaire principale de l’équipe d’informatique du séquençage génomique à l’IORC, a pour objectif de faciliter la recherche de grande qualité sur le cancer en améliorant les systèmes de production de données.

« Mon équipe permet aux chercheurs de se concentrer sur les tâches pour lesquelles ils sont hautement qualifiés, c’est-à-dire poser des questions pointues dans leur domaine de recherche et réaliser des percées dans le traitement du cancer, dit Morgan. Par conséquent, nous faisons en sorte de rendre les tâches d’analyse de données massives et complexes aussi simples et efficaces que possible. »

Les chercheurs en génomique du cancer posent souvent des questions qui demandent une exploration approfondie de vastes ensembles de données de séquençage. Ce domaine en constante évolution exige des systèmes de production de données souples qui peuvent s’adapter rapidement pour tenir compte des nouvelles demandes. Cela représente un défi, car en plus d’exiger des systèmes de production de données adaptables, les chercheurs veulent des systèmes stables qui leur permettent de faire des découvertes reproductibles appuyées par une analyse de données de grande qualité. À cette fin, Morgan et son équipe s’efforcent d’améliorer à la fois la souplesse et la stabilité de l’infrastructure de leur pipeline d’analyse de données pour soutenir les projets de recherches de l’IORC en génomique.

Avant de se joindre à l’IORC, Morgan a obtenu une maîtrise en bioinformatique de l’Université de Newcastle au Royaume-Uni. Elle a été attirée par le dynamisme dont fait preuve l’Ontario dans le domaine de la génomique du cancer. « C’est d’abord la réputation d’excellence en bioinformatique et en recherche sur le cancer dont jouit l’IORC à l’échelle internationale qui m’a attirée ici, affirme Morgan. Mais le cancer est un problème grave et complexe, et c’est ce qui fait en sorte que je reste dévouée à mon travail, jour après jour. »

La vaste majorité des données génomiques de l’IORC sont exécutées sur des systèmes que l’équipe de Morgan a conçus ou gérés. L’équipe automatise les systèmes qui traitent environ deux pétaoctets de données, soit l’équivalent de 30 années d’enregistrement vidéo HD. Ceci veut dire que le travail accompli en coulisses par Morgan au cours des six dernières années est venu appuyer des douzaines de projets de recherche et des centaines de résultats publiés.

Les systèmes de Morgan ont non seulement renforcé les capacités informatiques de l’IORC, mais ils ont aussi profité au milieu de la recherche en général. Morgan est une ardente partisane du partage d’idées et de la réduction de la recherche redondante par l’intermédiaire de l’ouverture des codes sources, des données et de la science. Elle reconnaît l’importance de diffuser les données, les méthodes et les connaissances pour favoriser l’innovation et faire profiter plus rapidement les patients des résultats de celle-ci. À la prochaine étape de son travail, Morgan continuera de partager les outils et les connaissances de son équipe avec d’autres instituts et équipes de recherche pour leur permettre de mieux automatiser leurs pipelines d’analyse et d’accélérer leurs recherches.

« Tout ce que nous faisons pour accélérer la recherche contribue à ce que plus de personnes cancéreuses obtiennent le traitement dont elles ont besoin, déclare Morgan. Les patients actuellement atteints de cancer et ceux qui en seront atteints à l’avenir comptent sur nos recherches pour trouver de nouvelles solutions thérapeutiques. Nos systèmes aident à découvrir ces solutions plus rapidement. »