Des équipes de chercheurs de l’Ontario collaborent à la découverte d’un premier médicament d’une nouvelle classe thérapeutique contre les cancers du sang.

S’attaquer au cancer n’est pas une mince affaire. Indépendamment de l’envergure et du succès d’un laboratoire donné, la mise au point de médicaments contre le cancer est rarement le fait d’un seul chercheur. L’IORC a été créé pour rassembler les forces de l’Ontario et pour nouer de nouvelles collaborations stimulantes afin de transposer la recherche en résultats pour les patients. Dernièrement, les chercheurs ontariens ont trouvé une faiblesse dans la leucémie et, malgré sa complexité, cette cible est devenue un point de mire pour l’IORC et ses partenaires. Voici l’histoire d’un inhibiteur de la protéine WDR5, premier médicament d’une nouvelle classe thérapeutique découvert et mis au point en Ontario, et du chemin qu’il a parcouru de la recherche à la commercialisation.

Trouver le « crochet chimique » pour le gène MLL-1

MLL-1 est un gène bien connu pour son rôle dans la croissance de nombreux types de cancers. En particulier, la défaillance du gène MLL-1 a été reconnue comme un facteur important dans le développement de la leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) et de la leucémie myéloïde aiguë (LMA). Chez les patients atteints de ces cancers, il existe encore d’importants besoins non comblés qui exigent des recherches supplémentaires.

Depuis plusieurs années, le groupe de découverte de médicaments de l’IORC collabore avec des chercheurs du Consortium de génomique structurale (Structural Genomics Consortium ou SGC) à l’Université de Toronto pour mettre au point un inhibiteur chimique qui inactive le gène MLL-1 par un moyen novateur et ingénieux, en ciblant de manière spécifique la protéine WDR5, une protéine d’échafaudage du complexe protéique du MLL-1.

Comme la protéine WDR5 est un pilier de ce complexe, l’équipe de l’IORC-SGC a découvert que le fait de perturber l’interaction entre le gène MLL-1 et la protéine WDR5 au moyen d’un composé apparenté à un médicament était une façon novatrice et efficace d’inhiber le gène MLL-1 et de stopper sa capacité à stimuler le cancer.

Rima and Aled

Rima Al-awar, Ph. D. et Aled Edwards, Ph. D.

« La méthode que nous avons mise au point a l’avantage de cibler une protéine d’échafaudage. Nous espérons que la mutation de cette protéine par le cancer deviendra plus difficile et que, par conséquent, le risque de résistance et de rechute sera moins élevé, ce qui devrait se traduire par des rémissions plus longues et durables », dit Rima Al-awar, docteure en chimie organique et l’une des chefs du projet qui est également directrice et chercheuse principale du programme de découverte de médicaments de l’IORC. De plus, en ciblant spécifiquement la protéine WDR5, le groupe a été en mesure d’optimiser la sélectivité du traitement au lieu de cibler le complexe MLL-1 lui-même, qui appartient à une famille dont plusieurs membres se ressemblent.

Le projet WDR5 a commencé au SGC, un proche collaborateur du groupe de découverte de médicaments de l’IORC également installé au Centre MaRS à Toronto. L’équipe du SGC, dirigée par Cheryl Arrowsmith, docteure en chimie et chercheuse principale, a identifié la protéine WDR5 comme étant une cible potentielle permettant d’inhiber l’activité du gène MLL-1. Elle a présenté ses résultats au groupe de découverte de médicaments de l’IORC afin que les deux équipes poursuivent ensemble les recherches sur la protéine WDR5 et évaluent la possibilité de cibler le complexe protéique avec des molécules apparentées à des médicaments.

Aled Edwards, docteur en biochimie et directeur du SGC, précise que même si la découverte initiale du potentiel de la protéine WDR5 était prometteuse, il était difficile de déterminer de quelle manière faire avancer le projet jusqu’à ce les chercheurs aient trouvé ce qu’il appelle un « crochet chimique », soit, dans ce cas-ci, un composé capable de se lier à la protéine WDR5 et de la bloquer. « Le groupe de l’IORC avait travaillé d’arrache-pied afin de réunir des chimiothèques que nous avons ensuite utilisées pour tenter de trouver un moyen de faire fonctionner le tout sur le plan chimique, explique M. Edwards. La découverte d’un composé adapté à la protéine WDR5 a été le point d’inflexion, et ce qui était jusque-là impossible est soudainement devenu possible. »

Collaborer pour ouvrir la voie à la commercialisation

Intégrer des traitements novateurs dans la pratique clinique exige plus qu’une simple prouesse scientifique. Il faut aussi une solide stratégie de commercialisation capable d’attirer les partenaires et les investisseurs nécessaires pour soutenir à long terme le développement des projets de recherche.

Dès les premières étapes de l’élaboration du projet WDR5, le groupe de découverte de médicaments de l’IORC s’est associé à la FACIT pour créer une stratégie de commercialisation et obtenir les ressources dont il avait besoin pour intégrer son nouveau traitement novateur dans la pratique clinique. La FACIT a fourni l’expertise commerciale, industrielle et de gestion nécessaire ainsi que les ressources et les capitaux de démarrage pour soutenir et accélérer le projet. L’intégration des compétences de la FACIT et de l’IORC dès le début du projet a permis aux deux organismes de mettre au point l’inhibiteur de la protéine WDR5 tout en ayant une stratégie de commercialisation viable, ce qui représente tout un défi pour n’importe quel laboratoire. Les dirigeants du groupe de découverte de médicaments de l’IORC ont joué un rôle crucial en apportant au projet la vaste expérience et les points de vue de l’industrie pour rendre cette découverte accessible à la pratique clinique.

« Ce partenariat nous permet de mieux positionner nos projets pour les faire progresser, ce qui est essentiel au processus qui vise à amener les découvertes du laboratoire au chevet du patient », déclare Mme Al-awar. Ensemble, l’IORC, la FACIT et leur approche différenciée en matière de commercialisation ont fait en sorte que le projet WDR5 ait la meilleure chance d’obtenir des résultats concrets.

David O’Neil, Ph. D.

« Transposer les percées réalisées en cancérologie dans la pratique clinique demande de nombreuses compétences allant de la recherche fondamentale à l’expertise clinique et industrielle », affirme David O’Neill, docteur en science de la santé et président de la FACIT. « Le modèle adopté par l’IORC et la FACIT réunit ces forces pour maximiser les retombées des innovations de l’Ontario dans la province. La collaboration de l’IORC avec le SGC a constitué une excellente assise pour le projet WDR5 et nous requerrons des partenaires de l’industrie le même solide engagement pour accélérer ce programme au bénéfice des patients. »

Générer de la valeur grâce aux collaborations ouvertes

WDR5 Protein

Références photographiques :
Emw | Wikimedia | CC BY-SA 3.0

Le projet WDR5 constituait un atout unique du point de vue de la commercialisation parce qu’à ses débuts, en 2014, il s’agissait d’un projet de découverte de médicament ouvert. Comme dans le cas de nombreux projets scientifiques ouverts, les données, et notamment la structure d’un premier traceur chimique de la protéine WDR5, ont été partagées avec les membres de la communauté scientifique. Mener des recherches de manière ouverte a permis à l’équipe de tirer parti d’un vaste réseau international d’experts, et particulièrement de spécialistes capables de tester et de démontrer l’efficacité du traceur de la protéine WDR5 dans les cellules. « Les projets scientifiques ouverts ne sont pas aux prises avec la même bureaucratie ni avec les mêmes frais élevés et problèmes juridiques que ceux qui ralentissent parfois les autres projets », explique M. Edwards.

Souvent, les projets scientifiques ouverts et les projets de découverte de médicaments traditionnels, dont les propriétés intellectuelles sont exclusives, ont des modèles d’affaires différents et recourent à des approches incompatibles en matière de commercialisation. Le projet WDR5 a montré que ces approches peuvent être compatibles, et cette collaboration unique a mené à la production d’un traceur chimique qui a été partagé avec la communauté universitaire du monde entier, ce qui a permis de mieux comprendre la biologie de la leucémie et les stratégies thérapeutiques.

OLes projets scientifiques ouverts ne sont pas aux prises avec la même bureaucratie ni avec les mêmes frais élevés et problèmes juridiques que ceux qui ralentissent parfois les autres projets.
– M. Aled Edwards

Les scientifiques de l’IORC ont été en mesure de raffiner le traceur chimique pour en faire un composé amélioré apparenté à un médicament, qui peut maintenant être testé dans le cadre d’essais cliniques. Dans le domaine de la découverte de médicaments, disposer d’un solide moyen de protéger le marché pour une molécule est une étape nécessaire pour amener les partenaires de l’industrie à soutenir les essais cliniques et faire en sorte que la recherche sur des produits novateurs ait des retombées économiques intéressantes. Ainsi, l’entreprise qui consistait à mettre au point un médicament candidat et à faire progresser la biologie de la leucémie a été couronnée de succès pour les nombreux chercheurs associés à la collaboration entre l’IORC et le SGC.

Pour attirer les investissements et les partenaires qu’il fallait pour faire avancer nos travaux et obtenir un médicament pouvant être utilisé en pratique clinique, nous avons pris les données ouvertes et en avons fait quelque chose de nouveau et d’unique. En tirant parti de la FACIT, nous avons pu mesurer le potentiel commercial de l’atout que représentait le projet pour ensuite créer une propriété intellectuelle et la protéger.
– Mme. Rima Al-Awar

Mme Al-awar reconnaît que même si la mise au point ouverte de médicaments a ses avantages, elle présente parfois son lot de difficultés. « Pour attirer les investissements et les partenaires qu’il fallait pour faire avancer nos travaux et obtenir un médicament pouvant être utilisé en pratique clinique, nous avons pris les données ouvertes et en avons fait quelque chose de nouveau et d’unique. En tirant parti de la FACIT, nous avons pu mesurer le potentiel commercial de l’atout que représentait le projet pour ensuite créer une propriété intellectuelle et la protéger. La FACIT s’est révélé un partenaire très précieux. »

Un partenariat stratégique différencié

Subir les longs délais de mise au point, trouver les bons investisseurs et partenaires, obtenir les capitaux de démarrage dès le début du projet et concurrencer les acteurs établis du domaine des biotechnologies sont d’autres difficultés que présente la commercialisation de la recherche en oncologie. Le partenariat stratégique unique entre l’IORC et la FACIT a été établi pour faire face à ces difficultés et commercialiser les meilleures innovations ontariennes en oncologie.

« Le projet WDR5 et la valeur de cette propriété intellectuelle reflètent la relation très étroite qui existe entre la découverte et la commercialisation. Le groupe de découverte de médicaments de l’IORC a signalé cette occasion à la FACIT, car elle a reconnu que l’organisme avait les compétences pour accélérer la mise au point d’une version potentielle du traceur susceptible de devenir le premier médicament d’une nouvelle classe thérapeutique », dit M. O’Neill.

Propellon LogoUne fois le potentiel de la protéine WDR5 réalisé, la FACIT a rapidement fourni les outils et les services pour faire avancer le projet, notamment en créant une entreprise de démarrage, appelée Propellon Therapeutics, dont elle a assuré provisoirement la gestion et à laquelle elle a procuré le capital de démarrage.

« Grâce aux ressources et au financement de la FACIT, Propellon a pu passer à l’étape suivante du développement et de la croissance en Ontario, affirme M. O’Neill. L’investissement de démarrage a permis à l’entreprise de continuer sur sa lancée et de commencer à trouver les partenaires stratégiques de l’industrie pharmaceutique et les autres investisseurs les plus soucieux du développement dans la province. » Actuellement, la FACIT explore activement les possibilités d’expansion de l’entreprise pour le programme.

Un brillant avenir

L’histoire du développement du projet WDR5 met en évidence les compétences uniques du groupe de découverte de médicaments de l’IORC, les avantages du modèle adopté par l’IORC et la FACIT et l’efficacité avec laquelle l’IORC exploite les forces de l’écosystème diversifié de la recherche en oncologie en Ontario en collaborant avec des groupes comme le SGC.

Mme Al-awar note que la découverte de médicaments présente toujours bon nombre de difficultés, peu importe le projet. « Cependant, en travaillant en collaboration avec nos partenaires que sont le SGC et la FACIT, nous avons été en mesure de franchir les obstacles rencontrés dans la réalisation du projet WDR5, tant sur le plan du développement scientifique que de l’expansion commerciale, avance-t-elle. Fusionner la découverte et la commercialisation dès le début du projet et accéder au capital de démarrage essentiel de la FACIT pour Propellon nous a permis d’accélérer la cadence et de rendre le médicament accessible à la pratique clinique. »

« L’IORC et la FACIT ont comme mission commune de traduire les progrès en cancérologie en retombées positives pour les patients, les intervenants et l’économie de l’Ontario, dit M. O’Neill. En visant à accélérer la mise au point d’un inhibiteur prometteur de la protéine WDR5, la FACIT continue de chercher un partenaire qui offrira aux cliniciens la voie d’accès optimale à la technologie. Lorsque nous pensons aux patients, nous sommes enthousiastes face à ce que l’avenir réserve à Propellon et à la transposition de la recherche sur le cancer dans la province. »