Ontario Institute for Cancer Research

Rapport annuel 2018/19

Nouveau paradigme dans le séquençage de génomes

Au moment où Neil Armstrong faisait ses premiers pas sur la lune, les scientifiques faisaient leurs premiers pas dans la lecture de l’ADN, au rythme d’une base par mois. En une décennie, ces premières percées allaient mener à la méthode de séquençage de Sanger et inaugurer l’ère actuelle du séquençage généralisé dans les laboratoires du monde entier. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, les astronautes effectuent le séquençage de génomes dans l’espace et analysent des millions de bases d’ADN en temps réel. Jared Simpson, docteur en biologie computationnelle à l’IORC, est un chef de file qui a contribué à rendre tout cela possible.

Jarerd Simpson

Jared Simpson

Le séquençage devient portatif

Les séquenceurs nanopore ont bouleversé le domaine des instruments de séquençage traditionnels. Ces gadgets portatifs futuristes pèsent 70 g et sont capables de produire des données de séquençage en 30 minutes, mais lire ces données et en obtenir une information utile constitue un défi qui nécessite des compétences à la fois en informatique et en biologie. Les compétences de M. Simpson sont précisément celles-là.

« Les méthodes de séquençage traditionnelles exigent que l’on envoie un échantillon dans un laboratoire ou un institut de recherche où se trouve le séquenceur, explique M. Simpson. Nous inversons la façon d’effectuer le séquençage des génomes en apportant plutôt le séquenceur là où se trouve l’échantillon. »

« Quand nous sommes en présence de problèmes biologiques complexes comme le cancer, de petites différences dans une séquence d’ADN peuvent faire une grande différence. » - M. Simpson

M. Simpson a dirigé le développement de technologies logicielles qui traduisent les données de sortie – ou le signal – d’un séquenceur nanopore en une série de bases d’ADN que les chercheurs peuvent lire et étudier. Il est bien connu dans le milieu du séquençage par nanopores pour avoir mis au point le logiciel Nanopolish, l’un des meilleurs progiciels d’analyse de données issues du séquençage par nanopores, qui a amélioré la précision avec laquelle les chercheurs peuvent assembler les données provenant de nombreux fragments d’ADN en un génome composite. Dans certains cas, Nanopolish a été capable d’améliorer à 99,9 % la précision de l’assemblage du génome.

« Quand nous sommes en présence de problèmes biologiques complexes comme le cancer, de petites différences dans une séquence d’ADN peuvent faire une grande différence, affirme M. Simpson. Une précision accrue nous permet de mieux étudier ces maladies, de déceler leurs causes et, si tout va bien, de comprendre comment les traiter. »

M. Simpson et ses collaborateurs ont utilisé les algorithmes qu’il a créés pour suivre l’éclosion de la maladie à virus Ébola en Afrique en temps réel et trouver l’origine de la flambée d’infections par le virus Zika au Brésil.

Un logiciel pour la recherche, des bienfaits pour les patients

En abandonnant les petits génomes bactériens et viraux pour s’attaquer aux levures et aux génomes de plus grande taille au cours des dernières années, les scientifiques pratiquant le séquençage par nanopores se sont heurtés à des problèmes de précision du séquençage en grande partie attribuables à une modification chimique courante de l’ADN humain appelée méthylation de l’ADN.

Le séquençage par nanopores repose sur la détection du comportement d’une protéine dotée d’un minuscule canal pendant qu’un brin d’ADN la traverse. La méthylation de l’ADN peut modifier la lecture du signal et entraîner des erreurs dans la séquence prévue. Pour résoudre ce problème, M. Simpson a inventé une nouvelle façon de détecter la méthylation à partir de la lecture du signal. Grâce à sa méthode, les scientifiques pratiquant le séquençage par nanopores ont réussi à séquencer la totalité du génome humain, ce qui ouvre de nouvelles avenues pour l’étude de maladies humaines comme le cancer.

Jusqu’à maintenant, sa méthode de détection de la méthylation a été utilisée pour appuyer près de 150 articles scientifiques publiés.

Désormais intégrée au progiciel Nanopolish, la technique de détection de la méthylation mise au point par M. Simpson est couramment utilisée par les chercheurs du monde entier. Afin d’accélérer les découvertes, M. Simpson concentre ses efforts sur la facilité d’utilisation et la robustesse de ses outils et continue de mettre l’ensemble de ses logiciels gratuitement à la disposition du milieu de la recherche mondiale. Jusqu’à maintenant, sa méthode de détection de la méthylation a été utilisée pour appuyer près de 150 articles scientifiques publiés.

Regard vers l’avenir

Alors que le séquençage par nanopores continue d’évoluer, il n’est pas difficile d’imaginer un monde où l’analyse génomique s’effectue de manière généralisée au point de service pour prévenir, surveiller et traiter le cancer. Que ce soit au centre de cancérologie local ou même au cabinet du médecin de famille, les appareils de séquençage miniatures et portatifs pourraient transformer la médecine clinique. M. Simpson et son équipe travaillent pour que cet avenir devienne réalité.

« Qu’un membre de mon laboratoire se consacre à l’analyse de données d’ARN ou un autre, à la détection de la méthylation de l’ADN, nous travaillons tous ensemble, dit-il. Comme les difficultés que l’on rencontre en développant un logiciel mènent souvent à des solutions intéressantes, travailler à plusieurs applications nous permet de concevoir ensemble de nouvelles idées pour améliorer nos outils et ainsi contribuer aux découvertes futures. »